mardi 7 avril 2020

La convention citoyenne sur le climat Analyse du Monde


Cahier du « Monde » No 23486 daté Mardi 14 ­ Mercredi 15 juillet 2020 ­ 

La convention citoyenne pour le climat a élaboré près de 150 mesures, après avoir vécu « une véritable prise de conscience de l’urgence ». « Le Monde » analyse l’ambition et la faisabilité de 57 d’entre elles.

La commande : 

« Comment réduire d’au moins 40 % par rapport à 1990 les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, dans le respect de la justice sociale ? » 

Telle est la question sur laquelle ont dû plancher pendant neuf mois les 150 membres tirés au sort de la convention citoyenne pour le climat – une expérience démocratique d’une ampleur inédite, voulue par Emmanuel Macron pour tenter de répondre à la crise des « gilets jaunes ». Le rapport. Les membres de la convention ont abouti à un rapport de près de 500 pages remis le 21 juin au gouvernement. Ils ont voté 146 propositions pour « changer en profondeur » notre société ; « Le Monde » en passe ici 57 au crible. Ce « programme vert » aborde toutes les thématiques, de l’alimentation à la rénovation thermique des bâtiments, en passant par la régulation de la publicité, la réduction de la place de la voiture ou la lutte contre l’artificialisation des sols. Le devenir. Que va­-t­-il advenir de ces mesures ? Emmanuel Macron a affirmé le 29 juin qu’elles seraient intégrées à un grand projet de loi, et que certaines pourraient être tranchées directement par les Français lors de deux référendums.

Raphaëlle Aubert, Rémi Barroux, Audrey Garric, Mathilde Gérard, Stéphane Mandard, Perrine Mouterde, Isabelle Rey­lefebvre, Martine Valo et Maxime Vaudano

 

CONSOMMER

AFFICHER D’ICI À 2024 UN SCORE CARBONE SUR LES PRODUITS DE CONSOMMATION ET LES SERVICES

 Les 150 membres de la convention citoyenne veulent que l’information sur les émissions de gaz à effet de serre des produits et services soit « accessible, lisible et fiable » pour les consommateurs. Ils sont partis du modèle des paquets de cigarettes qui affichent le danger mortel qu’il y a à fumer, de celui des appareils ménagers présentant leur bilan énergétique ou encore de Nutri­Score – système d’étiquetage nutritionnel à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, établi en fonction de la valeur nutritionnelle d’un produit alimentaire. La loi relative « à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire » du 10 février 2020 prévoit déjà un « dispositif d’affichage environnemental et social volontaire ». Il doit être expérimenté pendant dix-huit mois. Mais il n’y est pas fait spécifiquement mention des émissions, sauf pour les services liés à l’usage d’Internet. Les 150 citoyens de la convention proposent aussi de rendre « obligatoire l’affichage des émissions de gaz à effet de serre dans les commerces et lieux de consommation ainsi que dans les publicités pour les marques ». Le bilan d’émission de gaz à effet de serre existe déjà, depuis la loi « portant engagement national pour l’environnement » (12 juillet 2010), dite « Grenelle II ». Il s’agirait donc de se servir de cette mesure non plus comme simple outil de diagnostic mais comme d’un outil d’information. Le problème principal de ces propositions réside dans la difficulté à réaliser ce diagnostic sur tous les produits, intégrant la conception, la fabrication, le transport et le cycle de fin de vie. D’autant que sur les produits importés, il n’est pas toujours facile de collecter toutes ces données et de les résumer dans un CO2­score

 

INTERDIRE LA PUBLICITÉ POUR LES PRODUITS LES PLUS POLLUANTS 

De nombreux rapports (parlementaires, ONG, thinktanks) ont récemment été publiés sur les effets néfastes de la publicité et de la communication, qui poussent à la surconsommation. Les 150 tirés au sort se sont emparés de cette question et estiment qu’en influant sur les consommateurs, par exemple sur le choix d’un véhicule, cela agirait fortement sur les émissions de gaz à effet de serre, en se basant en particulier sur l’exemple de la loi Evin du 10 janvier 1991 qui encadre les publicités sur le tabac et l’alcool. Selon les juristes chargés de proposer une transcription législative et réglementaire, il faudrait modifier le code de la consommation en intégrant donc l’interdiction « de toute propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur des produits ou des services présentant un impact environnemental excessif ». Ils soulignent toutefois un « fort risque d’inconstitutionnalité ». Il faudrait aussi préciser le seuil à partir duquel un produit est déclaré « plus polluant », notion encore floue. En l’absence de l’établissement d’un score carbone, ou « CO2­score », mettre en œuvre la mesure paraît difficile. Mais les mentions proposées par les membres de la convention, sur le modèle du tabac, telles « En avez-vous vraiment besoin ? » ou « La surconsommation nuit à la planète », pourraient avoir un impact sur le comportement des consommateurs. L’interdiction, si elle voit le jour, influerait, elle, sur les décisions des industriels. 

 

FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DES EMBALLAGES BIOSOURCÉS COMPOSTABLES 

Conscients que tous les produits ne peuvent pas faire l’objet de mise sous consigne ou de vente en vrac, les 150 citoyens proposent de favoriser l’emballage basé sur l’utilisation de produits biosourcés compostables. Il faut, disent-ils, « accompagner » les usines de fabrication du plastique dans cette transition. Les coûts de production de ces polymères biosourcés sont encore nettement plus élevés que pour des plastiques provenant des énergies fossiles. La convention propose donc de mettre en place un « emprunt sur dix ans à taux négatif » pour les investissements en recherche et développement concernant ce type d’emballage. Pour autant, notent certains experts, il y a confusion sur les termes. Certains produits biosourcés ne sont pas nécessairement compostables, et compostable ne veut pas dire qu’ils soient rapidement biodégradables. Le développement de ces emballages biosourcés sera, enfin, probablement accéléré par l’interdiction prévue à horizon 2040 de tout emballage plastique. 

 

GÉNÉRALISER L’ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE À L’ÉCOLE

 L’éducation et la formation occupent une place importante dans les mesures avancées 57  La convention citoyenne pour le climat a élaboré près de 150 mesures, après avoir vécu « une véritable prise de conscience de l’urgence ». « Le Monde » analyse l’ambition et la faisabilité de 57 d’entre elles par la convention, par exemple s’agissant du développement de l’agroécologie dans les lycées agricoles ou de l’éducation au numérique. Il est même fait référence à la charte de Belgrade (1975) qui, de manière contraignante, trace « les lignes directrices de l’éducation en matière d’environnement pour toute une génération à l’échelle de la Terre ». Il s’agit de créer dans le code de l’éducation un article sur le modèle de ce qui existe déjà pour l’éducation artistique et culturelle ou l’éducation physique et sportive. Cette éducation à l’environnement et au développement durable doit permettre de préparer les élèves « à réaliser des choix éclairés dans leur manière de consommer, de se nourrir, de se déplacer, de se loger, de travailler et de vivre dans une société respectueuse de l’environnement », selon les juristes qui proposent une rédaction de ce nouvel article dans le code de l’éducation. Les 150 citoyens de la convention proposent que cet enseignement soit une « mission transversale des enseignants », tout en en faisant « une nouvelle matière à part entière et indépendante des autres matières déjà enseignées ». Un point qui devra être explicité au moment de l’éventuelle mise en œuvre de cette mesure. 

 

TAXER LES IMPORTATIONS EN FONCTION DE LEUR EMPREINTE CARBONE AUX FRONTIÈRES DE L’UNION EUROPÉENNE 

La taxe carbone européenne est une vieille idée qui n’a jamais semblé si proche d’aboutir. La Commission européenne souhaite l’introduire dès 2021, avec un double objectif : lever de nouvelles ressources pour financer les investissements écologiques de son « Green Deal » et inciter les industriels à la vertu, en les dissuadant de délocaliser leurs productions polluantes dans des pays aux règles moins exigeantes. Ce chantier se heurte pour l’instant à des obstacles multiples, comme le rappelle l’Institut Jacques Delors dans une note récente. Il est d’abord difficile de mesurer précisément le contenu carbone des produits importés, qui sont souvent issus d’une chaîne de production sur plusieurs continents. Les règles du commerce international pourraient ensuite qualifier ce nouveau mécanisme de barrière au commerce libre. Enfin, les Etats-Unis et la Chine n’apprécient guère ce qu’ils considèrent comme du protectionnisme déguisé, et ont déjà menacé l’Europe de poursuites et de représailles commerciales. L’instauration de cette mesure dépendra donc de la capacité des dirigeants européens à trouver un consensus dans les prochains mois pour concrétiser ce serpent de mer. Reste aussi à savoir si, dans la pratique, elle correspondra aux doléances des 150 citoyens tirés au sort, notamment sur la redistribution des recettes de la taxe. 

 

 

PRODUIRE  ET TRAVAILLER

LES 150 VEULENT INSTAURER UNE JOURNÉE DE TÉLÉTRAVAIL PAR SEMAINE AFIN DE RÉDUIRE LES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE


RÉDUIRE LES CONTRAINTES RÉGLEMENTAIRES POUR LES PETITS PROJETS LOCAUX D’ÉNERGIE RENOUVELABLE Les 150 citoyens de la convention proposent de relever le seuil du permis de construire et de l’évaluation environnementale à 500 kW. L’intention est de permettre à des installations – notamment de panneaux solaires sur toiture – de se passer de certaines étapes réglementaires et administratives. Mais relever ce seuil pourrait être perçu comme un recul sur une norme environnementale. La convention souhaite aussi augmenter la limite de puissance à 500 kW­ crête (kWc, unité de mesure de la puissance d’une installation photovoltaïque) à partir de laquelle s’appliquent des appels d’offres. Cette proposition vise à favoriser le développement des petites installations en leur permettant de bénéficier d’un soutien public sous la forme d’un tarif d’achat, sans qu’elles aient à se soumettre à un appel d’offres national. Ce seuil a déjà été relevé par le gouvernement en février à 300 kWc. Cette proposition est soutenue par les représentants du secteur du solaire, mais nécessite des modifications tarifaires. Les critiques des énergies renouvelables s’inquiètent toutefois des risques pour les finances publiques, avec un effet d’aubaine pour les installateurs. 

RÉDUIRE L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL DU DÉVELOPPEMENT DU NUMÉRIQUE La part des émissions mondiales de gaz à effet de serre du secteur numérique (4 % en 2019) devrait doubler d’ici à 2025. Les 150 proposent d’imposer la récupération – encore rare – de la chaleur des centres de données, de privilégier la réparation et le reconditionnement par des incitations fiscales (baisse de TVA ou de charges), de limiter l’obsolescence programmée grâce à l’allongement des garanties et des mises à jour correctives disponibles. Une demande de ralentissement pas toujours en phase avec la vision plus offensive de développement numérique d’Emmanuel Macron. La principale pierre d’achoppement reste la proposition d’un moratoire sur la mise en place de la 5G, le temps d’une évaluation de ses effets sanitaires et environnementaux. 

TAXE ÉCOLOGIQUE SUR LES ENTREPRISES, MODULÉE EN FONCTION DU NIVEAU DES DIVIDENDES Les 150 citoyens de la convention espéraient que les recettes de cette taxe, qui sont estimées à 2 milliards d’euros par an, puissent financer la transition écologique. Or, comme le précise le comité légistique, les recettes d’un tel impôt ne peuvent être fléchées directement vers une dépense. La mesure risque aussi d’être bloquée par le Conseil constitutionnel au nom du principe d’égalité devant les charges publiques, qui décourage les traitements différenciés entre une petite et une grande entreprise. 

RENFORCER LES OBLIGATIONS DE TRANSPARENCE DES ENTREPRISES ET ASSOCIATIONS SUR LEUR BILAN ENVIRONNEMENTAL Aujourd’hui, le bilan de gaz à effet de serre, consultable sur le site de l’Ademe, doit être effectué tous les quatre ans par les entreprises de plus de 500 salariés. En cas de manquement, une sanction financière existe, mais elle n’est pas indexée sur le chiffre d’affaires, ni rendue publique. Les 150 volontaires demandent à rendre le bilan carbone obligatoire et annuel pour toutes les entreprises, afin de les pousser à agir plus vite pour réduire leurs émissions. Ils mentionnent la nécessité d’un accompagnement des PME indépendantes. En plus d’une sanction chiffrée en pourcentage du chiffre d’affaires, la convention entend afficher le non-respect des règles pour responsabiliser les structures et informer les consommateurs. Pour les juristes qui ont accompagné la convention, annualiser et étendre le dispositif à toutes les entreprises représente une « contrainte lourde ». 

FAVORISER FINANCIÈREMENT LES ENTREPRISES AVEC UN BON BILAN ENVIRONNEMENTAL Les 150 citoyens tirés au sort entendent faire de l’évolution positive du bilan carbone des entreprises un critère incontournable d’obtention des aides d’Etat (avantages fiscaux, obtention de prêts). Outre les obstacles techniques, cette mesure fait toutefois courir le risque de pénaliser la transition écologique des entreprises, qui auraient besoin de soutien public pour améliorer leur bilan carbone, comme le souligne le comité légistique. 

RENFORCER LES CLAUSES ENVIRONNEMENTALES DANS LES MARCHÉS PUBLICS Séduisante sur le papier, l’idée est compliquée à mettre en œuvre. « Favoriser les entreprises locales ou les labels comme le bio n’est pas permis par les règles européennes, qui privilégient la concurrence comme critère principal », relève Olivier Gayot, doctorant à l’université de Lille, sur le site The Conversation. Changer cet édifice législatif serait non seulement complexe mais surtout risqué, comme le souligne Grégory Kalflèche, professeur de droit public à Toulouse ­I : « Si l’on privilégie seulement l’offre la plus écologique plutôt que le meilleur rapport qualité/prix, on va tout payer plus cher – ce qui peut se chiffrer en milliards d’euros. » Malgré tout, l’environnement s’impose de plus en plus dans les critères des appels d’offres publics, notamment depuis une réforme de 2014. « Généraliser les clauses actuelles à tous les marchés pourrait inciter les collectivités à faire davantage », se réjouit Grégory Kalflèche. En somme, les marchés publics ont plus de chances de se « verdir » en formant mieux les acheteurs publics qu’avec une réforme du droit européen. 

PROTÉGER LES ÉCOSYSTÈMES ET LA BIODIVERSITÉ (COURS DÉPARTEMENTALES DE L’ENVIRONNEMENT, FORÊTS ET MILIEUX AQUATIQUES, PRODUITS NOCIFS, TECHNIQUES DE PRODUCTION) La convention souhaite que les impacts sur la biodiversité soient mieux pris en compte en amont du système de production. Pour cela, elle recommande la création de cours consultatives qui siégeraient deux fois par an dans les conseils départementaux. Ces instances auraient notamment pour missions « d’étudier la conformité des réalisations et des exploitations aux critères réglementaires », de « signifier la présence d’infractions pour non-conformité à la loi » ou encore « d’examiner les différents scénarios ayant fait l’objet d’une enquête publique ». Le groupe de juristes ayant travaillé avec la convention souligne toutefois que cette proposition « manque de nombreuses précisions », à la fois sur la nature et sur la compétence de l’institution. Pour renforcer la protection de la biodiversité, il serait plus pertinent de travailler avec les commissions administratives qui existent déjà ou avec des institutions telles que l’Office français de la biodiversité, ajoute-­t-­il. Les 150 citoyens volontaires proposent en outre d’encadrer strictement les outils et les techniques de production risquant de dégrader les écosystèmes, en les remplaçant par des techniques plus vertueuses, et de relocaliser nombre d’activités. « Toute ressource nécessaire à la production en France doit majoritairement provenir du territoire français, outre­mer compris, et devra être exploitée et/ou transformée au plus près de son origine », écrivent-ils. Dans le cas où les équipements, les techniques ou la main-­d’œuvre nécessaires seraient inexistants, « les différents acteurs devront y remédier, dans un délai à définir, en mettant en place ou en développant les structures manquantes nécessaires », ajoute-­t-­il. Ces propositions seront sans doute toutefois difficiles à transcrire en droit : pour que l’atteinte à la liberté d’entreprendre soit jugée conforme à la Constitution, il est indispensable qu’elle soit nécessaire et proportionnée à un objectif d’intérêt général ou à une exigence constitutionnelle. Dans ce cadre, la législation existante permet déjà d’assurer la préservation de la biodiversité.

 

SE DÉPLACER

INTERDIRE LES CENTRES-VILLES AUX VÉHICULES LES PLUS POLLUANTS La convention citoyenne propose d’étendre les zones dites « à faibles émissions » (ZFE), puis d’interdire l’accès aux centres­ villes aux véhicules émettant plus de 110 g de CO2/km. Prévues par la loi sur les mobilités, les ZFE permettent déjà (en théorie) d’aller plus loin. Elles visent à interdire progressivement les véhicules les plus polluants (en termes de polluants atmosphériques dangereux pour la santé) sur la base de la fameuse vignette Crit’Air. Paris a été la première ville à se doter d’une ZFE. Plus aucun véhicule diesel ne pourra y circuler d’ici à 2024. Les véhicules essence seront bannis à partir de 2030. Sous la double pression du Conseil d’Etat et de la Commission européenne, Elisabeth Borne, alors ministre de la transition écologique et solidaire, a annoncé, jeudi 2 juillet, qu’une dizaine de nouvelles ZFE seraient lancées d’ici à 2021 dans les agglomérations où des dépassements des valeurs limites en dioxyde d’azote et particules fines sont toujours constatés. 

AUGMENTER LES MOYENS DU FONDS VÉLO Pour éviter une ruée vers la voiture individuelle aux dépens des transports en commun après le déconfinement, plusieurs grandes villes ont mis en place des « coronapistes » cyclables. Le ministère de la transition écologique et solidaire a aussi mis en place un dispositif « coup de pouce » de 50 euros pour faire réparer sa bicyclette. Porter le budget consacré au développement de la pratique du vélo de 50 millions d’euros annuels à 200 millions d’euros est un objectif ambitieux. Il correspond cependant aux recommandations de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Reste à trouver le financement entre l’État et les collectivités locales. 

GÉNÉRALISER LES VOIES RÉSERVÉES AU COVOITURAGE ET AUX VÉHICULES PARTAGÉS La création de voies réservées au covoiturage et aux transports collectifs est une vieille antienne. La plupart des grandes agglomérations annoncent depuis plusieurs années y être favorables et s’engager à les développer au nom de la lutte contre la pollution de l’air. Mais hormis quelques expérimentations, comme à Grenoble, elles tardent à voir le jour. S’il ne semble pas facile politiquement de remettre en cause le modèle de la voiture individuelle, le cadre juridique existe pourtant. Le code de la route prévoit la possibilité de réserver une partie de la voie publique aux transports collectifs, notamment dans le cadre du covoiturage. Mais pour être pleinement efficace, cette mesure doit s’accompagner d’un contrôle­ sanction sous peine d’être détournée. Un écueil à éviter : créer une voie supplémentaire en transformant la bande d’arrêt d’urgence, ce qui aurait pour effet d’amplifier le trafic. 

RÉDUIRE LA VITESSE SUR AUTOROUTE À 110 KM/H C’est la proposition qui a fait le plus polémique. Selon la convention citoyenne, cette limitation permettrait de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre. Plus un véhicule va vite, plus il consomme. Les estimations varient cependant selon les études. Airparif a calculé un gain de l’ordre de 15 % à 20 %. Un rapport de 2018 du commissariat général au développement durable évoque seulement 5 %. Le principal frein relève de l’acceptabilité sociale. L’ancien premier ministre Edouard Philippe en sait quelque chose avec la fronde contre le passage de 90 km/h à 80 km/h sur les routes départementales. Certains Etats européens, comme la Suède, ont déjà adopté les 110 km/h. En Allemagne, de nombreux tronçons d’autoroutes sont limités à 110 km/h. 

RÉDUIRE LA TVA SUR LES BILLETS DE TRAIN DE 10 % À 5,5 % Les 150 citoyens de la convention souhaitent que le train, peu polluant, ne soit pas plus coûteux pour les Français que d’autres moyens de transport plus émetteurs, et qu’il soit davantage utilisé. Selon le code général des impôts, un taux réduit de TVA, à 5,5 %, peut s’appliquer aux transports de voyageurs, quel que soit le mode de transport utilisé. Pour un billet à 100 euros, cela représenterait 4,50 euros d’économies. Cette mesure fait débat de longue date, mais elle n’a jamais obtenu le feu vert de Bercy et de Matignon. L’Allemagne, elle, a franchi le pas le 1erjanvier, en réduisant la TVA sur les billets de train de 19 % à 7 %. 

AUGMENTER DE 50 % LES INVESTISSEMENTS PUBLICS DANS LES INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES Les 150 citoyens tirés au sort souhaitent investir massivement pour moderniser les infrastructures, les matériels roulants et les gares, en mettant l’accent sur les lignes régionales. Les membres de la convention proposent d’augmenter les investissements de 60 %, pour passer de 450 millions d’euros par an à 600 millions d’euros à partir de 2021­ 2022, puis à 750 millions d’euros après 2025. Ils souhaitent également renforcer l’investissement dans la signalisation et les gares, en passant de 70 millions à 100 millions d’euros par an. Le fret, lui, devra faire l’objet d’un investissement minimal de 400 millions d’euros par an pendant dix ans. Cette mesure pourrait être appliquée en ajoutant 1,1 milliard d’euros par an aux dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, soit une augmentation de 40 % par rapport à la trajectoire – déjà en hausse – prévue par la loi d’orientation des mobilités. 

INSTAURER UNE VIGNETTE POIDS LOURDS ET ABAISSER LA TAXE À L’ESSIEU Surtout ne pas reproduire le fiasco de l’« écotaxe » de la présidence Hollande qui s’était fracassée sur la révolte des « bonnets rouges » en Bretagne. C’est pourquoi les 150 citoyens de la convention proposent la création d’une vignette – et non d’une redevance kilométrique – qui s’appliquerait à tous les transporteurs, français et étrangers, et remplacerait la taxe dite à l’essieu pour ne pas discriminer les entreprises françaises, aujourd’hui les seules à s’en acquitter. Point faible : à la différence de la redevance kilométrique, la vignette présente l’inconvénient de ne pas inciter à la modération. Par son caractère forfaitaire (annuel ou mensuel), la vignette crée au contraire un besoin de « rentabilisation » qui pousse le détenteur à effectuer le plus de kilomètres possible. Par ailleurs, en cas de création d’une vignette, se posera la question du maintien des péages autoroutiers pour les poids lourds, soulignent les juristes. 

RENFORCER LE BONUS ÉCOLOGIQUE DES VÉHICULES PEU POLLUANTS Le bonus écologique pour inciter à l’achat d’un véhicule peu émetteur en CO2 est aujourd’hui de 6 000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique. La convention citoyenne propose de le porter à 9 000 euros (+ 25 %) et d’ajouter un critère de poids. La prise en compte du poids permettrait de favoriser l’achat de véhicules de petite taille (− 4 000 euros au-dessous de 800 kg), moins consommateurs en énergie, et de ne pas soutenir la vente des SUV hybrides, ces gros modèles très en vogue et très émetteurs de gaz à effet de serre. 

RENFORCER LE MALUS ÉCOLOGIQUE AUTOMOBILE DES VÉHICULES POLLUANTS Pendant de l’augmentation du bonus, la convention propose d’augmenter « très fortement » le malus tout en abaissant son seuil de déclenchement (dès 95 g de CO2/km) et en prenant là aussi en compte le poids du véhicule (+ 10 euros par kilo au­dessus de 1 400 kg). Elle vise aussi à atteindre un « malus dissuasif » plus rapidement : 1 000 euros dès 110 g de CO2 . En 2019, la majorité des voitures neuves (62 %) vendues échappent à tout malus. Et moins de 5 % ont fait l’objet d’un malus supérieur à 1 000 euros. 

INTERDIRE LA VENTE DE VOITURES NEUVES TRÈS POLLUANTES EN 2025 Reprenant une annonce du plan climat de l’ancien ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, la loi d’orientation sur les mobilités prévoit la fin de la vente des véhicules thermiques à l’horizon 2040. La convention souhaite accélérer ce mouvement en interdisant dès 2025 la vente de véhicules neufs émettant plus de 110 g de CO2/km en 2025. Elle propose d’abaisser ensuite ce seuil à 90 g à partir de 2030. En 2018, plus de la moitié des ventes de véhicules neufs concernaient des modèles dépassant les 110 g. La Commission européenne fixe un objectif de 95 g en moyenne pour les voitures particulières à partir du 1 er janvier 2021. 

CRÉER DES PRÊTS À TAUX ZÉRO GARANTIS PAR L’ÉTAT POUR L’ACHAT DE VÉHICULES PROPRES Destiné à aider les ménages à faibles revenus à acquérir des véhicules moins polluants, cette proposition reste floue. Ces prêts pourront être limités à des gammes de véhicules « légers » et « pas trop chers », indique la convention, sans plus de détails. Ils pourront aussi être élargis à la conversion d’un moteur thermique en moteur électrique ou éthanol. La proposition présente plusieurs lacunes : les conditions d’octroi du prêt à taux zéro ne sont pas précisées. Pas plus que la durée, le plafond ou la possibilité de cumul avec d’autres aides comme la prime à la conversion, déjà en place. 

DÉVELOPPER LE TÉLÉTRAVAIL Les 150 citoyens de la convention veulent instaurer une journée de télétravail par semaine afin de réduire les déplacements et donc les émissions de gaz à effet de serre. « L’employeur, sauf raison particulière à justifier, ne peut pas refuser la demande du salarié », écrivent ils. En cas de poste jugé non éligible, le temps de travail doit être organisé en quatre journées hebdomadaires. Les juristes qui ont accompagné la convention notent que le télétravail n’est pas toujours possible dans le privé, et que « le principe de continuité du service public est également un obstacle », comme pour les personnels de santé. « Nous pensons qu’il existe encore des potentiels de progrès importants », répondent les 150 citoyens tirés au sort. La crise du coronavirus l’a confirmé, en montrant que le télétravail était possible pour des millions de Français. Reste à voir si cette nouvelle pratique perdurera. 

ADOPTER UNE ÉCO-CONTRIBUTION KILOMÉTRIQUE RENFORCÉE SUR LES BILLETS D’AVION L’écocontribution prévue dans le budget 2020 se situe entre 1,50 euro par billet sur un vol intérieur ou intra-européen en classe économique, et 18 euros pour un vol hors UE en classe affaires. Ce montant est jugé « bien trop faible pour avoir un effet dissuasif ». Les 150 citoyens proposent de l’augmenter et de la calculer en fonction de la distance : 30 euros en classe éco pour un vol de moins de 2000 km, 60 euros au­-delà (180/400 en classe affaires). Les députés Delphine Batho et François Ruffin ont déposé, mardi 30 juin, une proposition de loi visant à instaurer un quota carbone individuel (un nombre de kilomètres par personne) pour limiter les déplacements en avion. 

METTRE FIN AUX VOLS INTÉRIEURS QUAND UNE ALTERNATIVE DE MOINS DE QUATRE HEURES EXISTE La convention propose de fermer progressivement, d’ici à 2025, les lignes intérieures partout où « il existe une alternative bas carbone satisfaisante en prix et en temps ». Sont visés les trajets que l’on peut effectuer en train en moins de quatre heures. Une proposition de loi avait déjà été déposée en ce sens par plusieurs députés lors du débat sur la loi sur les mobilités. Elle avait été retoquée. 

INTERDIRE LA CONSTRUCTION ET L’AGRANDISSEMENT D’AÉROPORTS Alors que l’abandon du projet d’aéroport à Notre­-Dame­-des-­Landes (Loire­-Atlantique) en 2018 est encore dans toutes les têtes, deux projets importants sont en cours en France : la construction d’un quatrième terminal à Paris ­ Charles-­de-­Gaulle et l’extension de l’aéroport de Nice. Ils font l’objet d’une forte contestation locale. Le méga-projet de Roissy devrait permettre d’absorber environ 450 vols de plus par jour et d’accueillir 40 millions de passagers supplémentaires par an à l’horizon 2037. Une hérésie pour les défenseurs de l’environnement. Pour les juristes de la convention, des aménagements sont à prévoir à cette proposition pour permettre les travaux de sécurité ou aux chantiers en cours d’être achevés, et prendre compte la situation particulière des territoires enclavés ou de l’outre­mer. 

SOUTENIR LA RECHERCHE ET LE DÉVELOPPEMENT DES BIOCARBURANTS POUR LES AVIONS Pour atteindre leur objectif de « limiter les effets néfastes du transport aérien », les membres de la convention demandent de soutenir la recherche et le développement d’une filière biocarburants pour les avions. A l’échelle internationale, le secteur a mis du temps à s’engager dans une limitation de ses émissions de gaz à effet de serre, ou du moins dans leur maintien au niveau de ce qu’il aura émis en 2020. Il mise en grande partie sur ces carburants issus de produits agricoles pour y parvenir. Or, les effets néfastes des carburants fabriqués à base d’huile de palme, de canne à sucre, de soja en particulier sont manifestes : déforestation, concurrence avec des cultures alimentaires, disparition de zones humides et de tourbières, au point qu’ils émettent eux-mêmes beaucoup de GES. Les réglementations sont d’ailleurs en train de changer à leur égard, notamment en Europe, qui prévoit de ne plus les subventionner au titre des énergies renouvelables. Il existe d’autres types de biocarburants à partir de déchets ou d’huiles déjà utilisées qui pourraient être développés.

 

 SE LOGER

RENFORCER LES OBLIGATIONS DE RÉNOVATION THERMIQUE DES LOGEMENTS ET BÂTIMENTS Les propriétaires occupants et bailleurs devraient rénover d’une manière globale leurs logements afin d’atteindre un niveau de performance énergétique A, B ou, de manière exceptionnelle, C. Cette obligation interviendrait d’ici à 2030 pour les logements étiquetés F et G (que l’on surnomme « passoires thermiques »), et d’ici à 2040 pour ceux classés E et D. Les 150 citoyens de la convention veulent aussi rendre obligatoires les rénovations globales des maisons individuelles moins performantes que A ou B dès 2024 en cas de transmission (vente, héritage). Enfin, l’Etat devrait rénover 20 % de ses bâtiments au niveau bâtiment basse consommation d’ici à 2025, 50 % d’ici à 2030 et 100 % au plus tard en 2040. Cette proposition, qui implique de modifier une loi et plusieurs codes et décrets, est l’une de celles qui auraient le plus gros impact pour le climat, alors que le secteur du bâtiment représente 45 % de la consommation d’énergie en France et 19 % des émissions de gaz à effet de serre. Car le rythme de rénovations est actuellement très insuffisant et elles ne sont pas suffisamment performantes : on réalise des rénovations par gestes au lieu de réaliser des rénovations globales (toit, isolation, fenêtre, chauffage et ventilation mécanique contrôlée). « La proposition des citoyens est très ambitieuse et renforce considérablement les obligations qui existaient jusqu’à présent », juge Andreas Rüdinger, chercheur associé à l’Institut du développement durable et des relations internationales. De fait, la loi énergie-climat, promulguée en novembre 2019, prévoit une obligation de travaux dans les « passoires thermiques » à partir de 2028, mais il s’agit seulement d’atteindre la classe E. Les 150 citoyens tirés au sort renforcent en outre l’obligation par la mise en place d’un système de sanctions : ils souhaitent notamment interdire la location des passoires énergétiques à partir de 2028 (ce que les députés avaient refusé lors de l’examen de la loi énergie climat) et instaurer un malus sur la taxe foncière. « Ce plan ambitieux sera difficile à tenir, car dix ans pour rénover toutes les passoires thermiques, c’est insuffisant », prévient toutefois Olivier Sidler, expert à l’association NégaWatt.

INTERDIRE LES CHAUDIÈRES AU FIOUL ET À CHARBON D’ICI À 2030 La programmation pluriannuelle de l’énergie, document de pilotage de la transition énergétique, fixe déjà un objectif de fin du chauffage individuel au fioul et au charbon d’ici à 2028 pour tous les logements, mais de manière non contraignante. Pour y parvenir, une prime à la conversion des chaudières a été annoncée par le gouvernement fin 2018. « Les citoyens auraient pu aller plus loin, en prévoyant une sortie du charbon et du fioul obligatoire dans tous les logements. A la place de quoi, leur mesure est très peu ambitieuse, puisque l’on n’installe plus de chaudières au fioul ou au charbon dans les bâtiments neufs ou rénovés », juge Andreas Rüdinger, chercheur associé à l’Institut du développement durable et des relations internationales. Selon le gouvernement, mettre fin aux chaudières au fioul représente près de 1 million de tonnes de gaz à effet de serre évitées par an, soit 1,5 % des émissions du secteur résidentiel.

CRÉER UN RÉSEAU HARMONISÉ DE GUICHETS UNIQUES POUR LA RÉNOVATION THERMIQUE La convention citoyenne souhaite que ces guichets uniques – des services publics, neutres, indépendants et gratuits – accompagnent localement les particuliers, les bailleurs et les copropriétés dans la réalisation d’un audit énergétique pré et post travaux, le montage du dossier de financement, le choix des entreprises ou encore le suivi des travaux. Cette mesure permettrait de répondre à l’extrême complexité des démarches à entreprendre pour rénover son logement, qui font que beaucoup de personnes abandonnent en cours de route. Les citoyens de la convention proposent de s’appuyer sur les expériences des réseaux Faire (des agences locales qui proposent un service public de conseil aux particuliers) et du Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique.

RENFORCER LES AIDES PUBLIQUES ET PRIVÉES À LA RÉNOVATION THERMIQUE La convention souhaite un système d’aides pour tous pour la rénovation globale, le reste à charge devant être minime pour les plus démunis. Ce financement serait partagé entre le secteur public et privé, par des subventions, des éco­-prêts à taux zéro et le mécanisme des certificats d’économie d’énergie (CEE), financés par les entreprises. Selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), cette mesure impliquerait un coût de 11 milliards d’euros d’aides financières par an, à ajouter aux 4 milliards d’aides annuelles actuelles pour l’ensemble du parc. « C’est un coût non négligeable, mais il est dans l’ordre de grandeur des choix budgétaires pré-­Covid et encore plus post­-Covid », assure Quentin Perrier, chercheur à l’I4CE. D’après les juristes qui accompagnent la convention, la hausse des CEE, qui passeraient de 1,9 milliard à 7,3 milliards d’euros, se répercuterait en outre « sur les factures d’énergie par une augmentation d’environ 14 % ». La mesure ne résout toutefois pas le problème de la multiplicité des aides et de leur manque de fléchage vers la rénovation « bâtiment basse consommation ». C’est le sens de la proposition de loi visant à créer une prime pour le climat déposée mi-juin par les députés socialistes. Elle permettrait aux ménages de ne rien dépenser au moment des travaux de rénovation, grâce à une subvention et à une avance remboursable.

LIMITER LE RECOURS AU CHAUFFAGE ET À LA CLIMATISATION (TEMPÉRATURE MOYENNE DE 19 °C EN JOURNÉE, CLIMATISATION INTERDITE SOUS LES 30 °C) La convention citoyenne reprend l’idée – suggérée de longue date – de limiter le chauffage à une température de 19 degrés. La France, où les radiateurs électriques sont très présents, est particulièrement sensible au sujet : en hiver, chaque degré en moins par rapport aux moyennes de saison nécessite une très forte hausse de la production d’électricité, qui doit souvent être assurée par les énergies fossiles ou des importations. La France commence à connaître également des pics de consommation l’été à cause de la climatisation. Les 150 citoyens volontaires proposent de renoncer à la climatisation dans les locaux publics ou les bureaux publics quand la température n’excède pas 30 0C en respectant un écart maximal de 10 0Cpar rapport à la température extérieure – à l’exception des hôpitaux, des Ehpad ou des crèches.

INTERDIRE TOUTE ARTIFICIALISATION DES TERRES TANT QUE LA RÉHABILITATION DE L’EXISTANT EST POSSIBLE En France, l’artificialisation des sols est importante : la disparition d’espaces naturels, de parcelles agricoles et de forêts qui se muent en terrains à construire, routes, parkings, voire aéroports augmente de 8,5 % par an. L’équivalent d’un département moyen s’efface ainsi en moins de dix ans. La convention propose donc de changer les habitudes, en cherchant d’abord à utiliser des espaces déjà urbanisés et à modifier l’affectation de terrains déjà bétonnés, par exemple des zones artisanales inoccupées à l’entrée des villes. Estimant que l’objectif inscrit dans le plan biodiversité du gouvernement – zéro artificialisation nette en 2050 – ne va pas assez vite, la convention propose que les superficies gagnées sur les espaces naturels, agricoles et forestiers en 2021­2030 ne dépassent pas celles qui l’ont été entre 2000 et 2020.

STOPPER LES AMÉNAGEMENTS DE ZONES COMMERCIALES PÉRIURBAINES Le texte de la convention est ferme : au nom de la lutte contre l’artificialisation des sols, il faut prendre des « mesures coercitives » pour interdire à l’échelle nationale la construction de toute nouvelle zone commerciale, sauf dans les territoires où leur densité par habitant est « très inférieure à la moyenne nationale ». Comme l’a montré l’opposition au complexe Europacity, dont le gouvernement a finalement enterré le projet fin 2019, l’acceptation sociale s’émousse à l’égard de ces centres marchands généralement dressés au milieu d’immenses parkings. Le président de la République semble l’avoir entendu puisqu’il a répondu aux 150 citoyens de la convention : « Vous préconisez d’instaurer un moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes, allons-y ! Agissons ! »

RENFORCER LA PROTECTION DES ESPACES NATURELS AGRICOLES PÉRIURBAINS ET DES FORÊTS Au-delà de la protection des espaces naturels proches des villes, la convention se penche sur la gestion des forêts en général et demande que celles-ci, publiques comme privées, soient gérées « durablement ». Avec le changement climatique et le déclin de la biodiversité, ce secteur est désormais traversé de débats sur la surexploitation qu’il ne connaissait guère jusqu’à présent. Certes, les arbres repoussent, mais les récoltes se sont intensifiées, les feuillus sont remplacés par des conifères qui croissent plus vite. Le bois est en effet devenu une biomasse appréciée pour les centrales électriques notamment. Les coupes claires de vastes parcelles bouleversent les paysages et la faune. Les 150 ont donc retenu l’idée d’interdire les coupes rases de plus de 0,5 hectare sauf en cas de crise sanitaire et de dépérissement des arbres. Cependant les forêts françaises, privées aux trois quarts, appartiennent à 3,5 millions de propriétaires, qui ne subissent guère de réglementation contraignante pour le moment.

ÉVALUER LE POTENTIEL DE RÉVERSIBILITÉ DE TOUT BÂTIMENT AVANT DÉMOLITION La transformation de bureaux vides en logements est coûteuse et techniquement ardue. Pour la faciliter, les règles de construction doivent évoluer pour, dès la conception d’un bâtiment, envisager sa reconversion future. Cela implique de modifier les modes constructifs en prévoyant des espaces plus flexibles, de limiter à 13 mètres l’épaisseur des bâtiments afin d’y faire pénétrer partout la lumière naturelle, et de rejeter en façades les circulations et réseaux. Le code de l’urbanisme devrait s’enrichir d’un « permis réversibilité » ou d’un volet réversibilité ajouté au permis classique de construire et de démolir. Les premiers immeubles réversibles sont ceux conçus pour les Jeux olympiques 2024, notamment le village des athlètes destiné à devenir des logements familiaux.

PERMETTRE LA CONSTRUCTION D’IMMEUBLES COLLECTIFS DANS LES ZONES PAVILLONNAIRES Favoriser la construction d’immeubles en zones pavillonnaires c’est augmenter leur densité, plutôt basse, entre 0,08 et 0,17, soit passer de 8 à 17 mètres carrés construits sur 100 mètres carrés de terrain. L’objectif du Plan Biodiversité 2018 de zéro artificialisation nette, ainsi que la loi Elan qui fixe aux collectivités locales l’objectif de lutter contre l’étalement urbain, impliquent de ralentir la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) dont environ 20 000 hectares sont consommés chaque année en France, 890 hectares en Ile-de-France mais 500 de moins, soit 390, si l’on déduit les espaces urbains reconvertis en zone naturelle. Le modèle francilien est, à ce sujet, plutôt vertueux depuis les années 2000, quand l’accent a été mis sur la densification des constructions. Pour passer, d’ici à 2050, de 20 000 hectares consommés à 5500, le rapport France Stratégie, de juillet 2019, rédigé par Julien Fosse, « Objectif zéro artificialisation nette » suggère, d’abord, d’encourager le renouvellement urbain qui consiste à construire sur des terres déjà artificialisées : le taux actuel de renouvellement est de 0,43 ce qui signifie que 43 % des surfaces construites le sont dans ce cadre, et le rapport recommande de le hausser à 0,63. M. Fosse propose aussi de multiplier la densité générale, en France, par 2,5, soit la faire passer d’en moyenne 0,16 à 0,4. Mais une telle densification s’oppose souvent à la volonté des habitants-­électeurs, donc de leurs maires, ce qui suppose de renforcer, dans le code de l’urbanisme, les obligations de constructibilité pour chaque parcelle. 

 

SE NOURRIR 

LES 150 DEMANDENT DE GÉNÉRALISER L’OFFRE VÉGÉTARIENNE DANS LES SELF-­SERVICES DE RESTAURATION COLLECTIVE PUBLIQUE

DÉVELOPPER LES MENUS VÉGÉTARIENS DANS LA RESTAURATION COLLECTIVE PUBLIQUE L’élevage est le principal responsable d’émissions agricoles de gaz à effet de serre. En août 2019, un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat a souligné l’importance de réduire, dans les pays développés, la consommation de protéines animales, pour limiter l’impact climatique de notre assiette, ce qui entraînerait aussi des bénéfices en termes de santé. Selon une étude parue dans la revue Science en juin 2018, les produits carnés et laitiers ne fournissent que 18 % des calories consommées dans le monde, mais représentent 60 % des rejets de gaz à effet de serre de l’agriculture. Comme il n’est pas question de légiférer sur le contenu des assiettes des Français, les 150 citoyens volontaires proposent d’approfondir les mesures ciblant la restauration collective prévues par la loi EGalim. Depuis novembre 2019, les cantines scolaires ont pour obligation de proposer au moins un menu végétarien hebdomadaire. Cette expérimentation prévue pour deux ans devra faire l’objet d’une évaluation transmise au Parlement. Les citoyens de la convention proposent d’aller plus loin. Une version initiale de leur rapport évoquait deux repas végétariens par semaine, mais pour laisser le temps à l’expérimentation de la loi E.Galim, ils ont opté pour une formulation plus incitative et demandent de généraliser l’offre végétarienne dans les structures de self-services.

ÉTENDRE LA LOI EGALIM À LA RESTAURATION COLLECTIVE PRIVÉE À PARTIR DE 2025 Comme ils le rappellent dans plusieurs de leurs propositions, les 150 ont l’ambition de « porter un changement d’assiette ». « Nous voulons que, d’ici à 2030, 100 % des ménages français mangent au moins 20 % de fruits, légumes, produits céréaliers et légumineuses issus de produits bio », écrivent-ils. L’ensemble des leviers de la restauration collective publique et privée est donc à mobiliser selon eux. L’extension de la loi E.Galim au secteur privé impliquerait davantage de menus végétariens et une plus grande part de produits bio et durables. Reste à préciser si cette mesure inclut toute la restauration privée d’entreprise, pour laquelle un prestataire répond à la commande d’un client. Une telle mesure nécessiterait de repasser par la loi, mais rien n’empêche un acteur de la restauration privée de prendre les devants et de revoir la composition de ses menus.

ATTEINDRE 50 % D’EXPLOITATIONS EN AGROÉCOLOGIE EN 2040 L’agroécologie est entendue ici dans un sens plus large que l’agriculture biologique, qui répond à un cahier des charges très précis. L’agroécologie n’est pas définie dans le rapport, mais les propositions des 150 citoyens permettent d’en cerner les contours : une agriculture qui diversifie les cultures, maintient les prairies permanentes, se passe d’engrais azotés et de produits phytopharmaceutiques, et où l’alimentation du cheptel se fait localement. Avec un objectif de 50 % de fermes agroécologiques, la convention affiche une trajectoire générale qui permettrait de limiter les émissions agricoles de gaz à effet de serre, mais ce chiffrage nécessite de faire un état des lieux et un suivi précis. On sait que l’agriculture biologique, qui concerne un périmètre plus restreint, couvrait en 2018 7,5 % de la surface agricole utile pour 9,3 % des exploitations. Mais la notion d’agroécologie est plus vaste. Un plan agroécologie sur cinq ans avait été lancé sous la présidence de François Hollande en 2012. Selon plusieurs experts, ce plan pourrait établir un inventaire de la situation. La transition vers plus d’agroécologie passera par la révision de la politique agricole commune, dont la prochaine programmation pour la période 2021­2027 est en cours de préparation.

DIMINUER DE 50 % L’USAGE DES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES ET INTERDIRE LES PESTICIDES LES PLUS NOCIFS D’ICI À 2025 Une formulation initiale de la proposition visait une sortie totale des pesticides en 2040. Celle-ci a été réécrite lors des derniers débats et reprend l’objectif de réduction de l’usage des pesticides de 50 % déjà fixé par le plan Ecophyto 2 + et l’étend sur le long terme. Les pesticides ne sont directement responsables que d’une faible part des émissions de gaz à effet de serre, mais, avancent les 150 membres de la convention, réduire le recours aux produits phytosanitaires répond à un objectif de protection de la diversité et implique indirectement de rediversifier les cultures et d’améliorer le stockage du carbone. « Si on ne sort pas des pesticides, on n’a pas de raison très forte de sortir des monocultures et des rotations simples et courtes », écrivent-ils. Dans la dernière version du rapport a été introduite l’interdiction des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, et, en 2035, des pesticides les plus dommageables pour l’environnement. Mais une telle mesure pourrait être attaquée par les fabricants car ces produits sont autorisés par les règlements européens. C’est donc au niveau de l’Union que devra être négociée toute révision des règlements.

 INTERDIRE LE FINANCEMENT DE NOUVEAUX ÉLEVAGES NE RESPECTANT PAS LES PRINCIPES DE L’AGROÉCOLOGIE Cette proposition cible les élevages intensifs (hors­sol notamment, et qui dépendent du soja importé). Soulignant les difficultés économiques du secteur, les 150 citoyens de la convention demandent que les aides de la politique agricole commune servent à faire monter en gamme les élevages. L’objectif est de réduire le nombre de têtes, mais d’augmenter la qualité et la valeur ajoutée, avec notamment des élevages à l’herbe et une alimentation du cheptel en protéines végétales locales. Les 150 citoyens ne formulent pas d’objectifs chiffrés, mais, en interdisant les financements de nouvelles installations d’élevage intensif, ils envoient un signal : les élevages doivent se tourner vers un modèle plus extensif pour limiter leur impact. Cette mesure rejoint les autres propositions incitant à végétaliser l’alimentation et à réduire la part des protéines animales, comme celles encourageant les menus végétariens dans les cantines.

RENFORCER LA LIMITATION DE LA PÊCHE EN ZONES SENSIBLES ET CONTRÔLER SON INTERDICTION EN EAU PROFONDE La pêche en eau profonde, au-delà de 800 mètres, est déjà bannie depuis le 1er janvier 2017, à la suite d’une campagne remarquée des associations de défense de l’océan, en particulier de Bloom. Comme l’indique la convention, il reste à veiller à ce que cette interdiction soit durablement respectée. Par ailleurs, la France pourrait faire davantage pour « renforcer les limitations de la pêche en zones sensibles ». Certes la loi de reconquête de la biodiversité de 2017 a créé un nouveau type d’aires marines protégées : les zones de conservation halieutique destinées à préserver des frayères – où les poissons déposent leurs œufs – ou des couloirs de migration d’espèces. Les pêcheurs sont sensibles aux diagnostics scientifiques, mais plaident souvent pour que les restrictions soient partielles, temporaires, portent uniquement sur certains engins de pêche ou un certain quota. Par exemple, en Méditerranée, une zone de préservation du merlu – une espèce largement surexploitée – a été instaurée dans le golfe du Lion, mais la principale mesure de gestion qui s’y rapporte se contente de limiter la pêche de fond à son niveau de 2008, ce qui est insuffisant pour restaurer la population de merlus.

DÉVELOPPER LES FERMES AQUACOLES RESPECTUEUSES DE L’ENVIRONNEMENT POUR ÉVITER LA PÊCHE EN MILIEU NATUREL Dans le monde, la part de l’aquaculture dépasse désormais celle de la pêche dans la consommation humaine. Ce n’est pas le cas de la production française, dont la production aquacole s’élevait à 233 530 tonnes en 2016, essentiellement composée d’huîtres, moules et autres coquilles. Les poissons d’élevage atteignaient 40 730 t cette année-là, dont deux tiers de truites, loin derrière la pêche fraîche et congelée (525 000 t). Le littoral français est déjà bien occupé par la conchyliculture, les nouveaux venus ont du mal à trouver de la place. Des modèles récents d’aquaculture respectueuse de l’environnement sont apparus, mêlant, par exemple, des élevages de poissons et d’algues en mer, ou de truites et de fruits et jeunes pousses à terre. Mais de nombreux entrepreneurs rapportent être freinés par des refus de l’administration. En outre, l’aquaculture exige une eau de grande qualité. Or, qu’elle soit douce ou salée, celle-ci devient plus rare.

PROTÉGER LA CAPACITÉ DE STOCKAGE CARBONE DES OCÉANS L’océan, qui occupe 71 % de la superficie de la planète, a absorbé plus de 90 % de la chaleur excédentaire dans le système climatique depuis la révolution industrielle. En plus de ses échanges chimiques complexes avec l’atmosphère, il abrite une vie encore mal connue qui capte 30 % du CO2 : grâce à la croissance des algues, au cycle du plancton et de la faune qui entraînent du carbone vers le fond de l’océan lorsqu’ils meurent. La seule façon de préserver cette pompe fondamentale consiste à réduire nos gaz à effet de serre, d’une part, et à protéger les écosystèmes aquatiques, d’autre part. Pour cela, beaucoup des leviers d’action se trouvent à terre : c’est de là que vient l’essentiel du plastique désormais présent jusqu’au fond des abysses ou les flots de nutriments azotés issus de l’agriculture intensive, qui génèrent de plus en plus de zones mortes, dépourvues d’oxygène. Sur le second volet de la proposition, la convention rejoint le consensus scientifique : ils réclament qu’au moins 30 % de l’océan mondial relèvent d’aires marines véritablement protégées, sans pêche ni aucune activité d’extraction, avec des corridors pour les espèces migratrices. 

RENDRE LA PÊCHE ET LE TRANSPORT MARITIME MOINS POLLUANTS EN MODERNISANT LA FLOTTE DE BATEAUX Moderniser les navires de transport et les bateaux de pêche pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) constitue deux problématiques différentes. Environ 90 % du trafic mondial de marchandises se fait par voie maritime. De nouvelles réglementations dans ce secteur relèvent d’accords internationaux. L’Organisation maritime internationale a adopté en 2018 une stratégie visant à « réduire le volume total des émissions de GES annuelles d’au moins 50 % en 2050 par rapport à 2008 » qui donne lieu à d’intenses négociations depuis. De son côté, la France pourrait améliorer la situation dans ses ports, qui souffrent de la pollution de l’air, en les équipant de dispositifs pour alimenter les navires à quai en électricité. S’ils y restent plus de deux heures, ces derniers doivent utiliser un combustible dont la teneur en soufre est inférieure ou égale à 0,10 %, selon une directive européenne. Quant à la pêche française, elle contribue pour 4 % aux GES émanant de l’agriculture et de l’élevage. C’est peu, et cela pose un problème de fond : des bateaux plus sûrs et moins consommateurs de carburant seraient appréciables pour les marins, qui pourraient opérer plus loin, plus longtemps, stocker davantage sur leurs ponts, bref augmenter leur capacité de pêche… au détriment des populations de poissons. 

RENÉGOCIER LE CETA AU NIVEAU EUROPÉEN POUR Y INTÉGRER LES OBJECTIFS DE L’ACCORD DE PARIS L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA) cristallise les critiques contre la politique commerciale européenne, accusée d’être trop complaisante face aux multinationales et pas assez exigeante en matière environnementale. Cet accord s’applique déjà largement depuis 2017 – permettant notamment une baisse des droits de douane et une augmentation des quotas de viande canadienne à l’importation. Mais pour entrer pleinement en vigueur, il doit encore être approuvé par les Parlements des 27 Etats de l’Union européenne. Ce qui déclencherait la mise en route des très controversés tribunaux d’arbitrage pour trancher les litiges entre Etats et entreprises. En revanche, en cas de non ratification par l’un des pays de l’UE, l’accord pourrait être enterré. Si les Européens et les Canadiens se mettaient d’accord, ils pourraient également rouvrir la négociation afin de modifier le contenu de l’accord avant de redémarrer le processus de ratification. 

DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS DE DÉFENDRE UNE RÉFORME DE LA POLITIQUE COMMERCIALE EUROPÉENNE Ces idées, portées depuis des années par la gauche et les ONG, sont techniquement réalisables, mais elles se heurtent à l’opposition des dirigeants européens, qui craignent de brider le commerce avec des mesures trop contraignantes. La Commission européenne reste par exemple très attachée au système des tribunaux d’arbitrage (qui tranchent les différends entre Etats et entreprises), qu’elle estime avoir suffisamment rénové en 2016 pour éliminer les risques d’abus. Rien n’est toutefois impossible, au regard des inflexions inattendues de la politique commerciale européenne au cours des dernières années. 

DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS DE DÉFENDRE UNE RÉFORME DE L’ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE POUR RESPECTER L’ACCORD DE PARIS Cette proposition s’apparente à un vœu pieux : l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui ne peut se réformer qu’à l’unanimité de ses 164 membres, est engluée depuis des années et se trouve même en état de « mort cérébrale », selon les mots d’Emmanuel Macron, depuis que Donald Trump lui a déclaré la guerre. Il semble très improbable que la France, ou même l’Union européenne, parvienne à imposer une réforme climatique ambitieuse à cette institution multilatérale. 

INSTAURER DES CHÈQUES ALIMENTAIRES POUR FACILITER L’ACHAT DE PRODUITS DURABLES Produire des aliments sains et moins émetteurs de carbone peut conduire à une hausse des prix. Plusieurs propositions évoquent la mise en place de chèques alimentaires, qui pourraient être utilisés par des ménages pour acheter des produits issus de l’agroécologie ou en circuits courts, notamment dans les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne. Mais il reste à préciser les conditions d’éligibilité pour en bénéficier et comment la mesure serait financée. Les citoyens de la convention proposent d’utiliser les recettes de la taxe sur les produits ultra transformés, mais la faisabilité de celle-ci est incertaine. Le comité légistique recommande de s’appuyer sur les crédits de l’aide alimentaire gérée par la direction générale de la cohésion sociale. 

INTERDIRE SOUS CINQ ANS L’USAGE DES ADDITIFS ET DES AUXILIAIRES ESTHÉTIQUES ALIMENTAIRES Ces mesures ne sont pas directement liées à une réduction forte des émissions de gaz à effet de serre, « mais l’industrie alimentaire conditionne fortement ce que les agriculteurs vont pouvoir vendre et ce que les consommateurs vont pouvoir acheter », plaident les 150 citoyens de la convention. La mesure d’interdiction des additifs vise à orienter la production vers des produits de meilleure qualité et moins transformés. Les 150 citoyens tirés au sort proposent d’avancer par étapes, en interdisant d’abord les additifs controversés pour la santé sur la base du principe de précaution (comme les carraghénanes – E407 – ou le nitrite de sodium – E250), ainsi que ceux à vocation uniquement esthétique, comme les colorants. Ils proposent de donner ensuite cinq ans aux entreprises pour ne plus utiliser d’auxiliaires technologiques, avec deux dérogations possibles : si des études scientifiques prouvent que ces auxiliaires ne sont pas nocifs, ou s’il n’y a pas d’alternative technique. Dans ces deux cas, la dérogation serait réexaminée tous les deux ans. Au niveau européen, 338 additifs sont autorisés. Toute demande d’évolution devra être portée par l’Etat français auprès de la Commission européenne.

 

 RÉFORMER LES  INSTITUTIONS 

LES 150 VEULENT NOTAMMENT FACILITER LES VOIES DE RECOURS DES CITOYENS POUR AGIR CONTRE DES ATTEINTES PORTÉES À L’ENVIRONNEMENT 

 LÉGIFÉRER SUR LE CRIME D’ÉCOCIDE La proposition sur l’écocide a été votée à 99 % et, surtout, a été assez développée dans son argumentaire et sa définition. La présentation d’une proposition de loi, en octobre 2019, « portant reconnaissance du crime d’écocide », et son exposition aux citoyens, a permis aux 150 citoyens tirés au sort de s’en inspirer. S’il existe déjà des procédures, contraventions, délits… sur les questions environnementales, les membres de la convention veulent aller plus loin en définissant le crime d’écocide comme une action causant un dommage écologique grave, une violation des « limites planétaires » qu’ils ont recensées, au nombre de neuf. Ce concept d’écocide a été mis au point en 2009 et entériné en 2012 par le secrétaire général des Nations unies d’alors, Ban Ki­moon, dans le cadre notamment des Objectifs de développement durable. Parmi les « limites planétaires », l’érosion de la biodiversité, le changement climatique, l’utilisation mondiale de l’eau, les changements d’utilisation des sols, etc. Pour veiller à l’application de la loi sur l’écocide, les 150 membres de la convention proposent la création d’une haute autorité des limites planétaires, indépendante. Le comité d’appui juridique s’est montré réservé sur la nécessité de légiférer sur le crime d’écocide. La référence aux limites planétaires n’est pas conforme, selon lui, au principe de légalité des délits et des peines. « Pour qu’elles puissent constituer le fondement d’une incrimination pénale, il serait nécessaire d’identifier en amont et précisément les seuils qui constitueraient un dépassement des limites planétaires imputables à l’activité d’une personne », écrivent les juristes. 

MODIFIER L’ARTICLE PREMIER DE LA CONSTITUTION Les 150 citoyens de la convention souhaitent ajouter à l’article 1er de la Constitution de 1958 l’alinéa suivant : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique. » Une telle modification de l’article 1er a déjà été proposée à deux reprises par le gouvernement : d’abord en juillet 2018 sous la forme d’un amendement adopté au moment de l’examen de la réforme constitutionnelle, qui a finalement été stoppée par l’affaire Benalla. Puis elle a été intégrée au projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique en août 2019, un texte qui n’a jamais été discuté à l’Assemblée et auquel le Sénat est opposé. Surtout, la version du gouvernement est moins ambitieuse que celle de la convention, ne peut pas appliquer cette obligation de résultats sur le dérèglement climatique, car c’est un phénomène mondial. » Le terme « lutte » renvoie alors à une obligation de moyens. « C’est une mesure très ambitieuse qui, au-delà du symbole, peut orienter la lecture de notre système juridique de manière plus concrète au profit de l’environnement », estime Laurent Fonbaustier, professeur de droit public à l’université de Paris Saclay. Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, juge au contraire que cette proposition n’a « pas de valeur supplémentaire » par rapport à la charte de l’environnement. Il dénonce en outre un écueil à distinguer les notions d’environnement, de biodiversité et de climat. Quoi qu’il en soit, le projet ou la proposition de révision de la Constitution doit être voté en termes identiques par l’Assemblée nationale et le Sénat puis approuvé par référendum ou par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes. 

TRANSFORMER LE CESE EN CHAMBRE DE LA PARTICIPATION CITOYENNE L’annonce a été faite par Emmanuel Macron aux membres de la convention quand il les a reçus lundi 29 juin : « Une réforme du Conseil économique, social et environnemental [CESE] sera présentée au prochain conseil des ministres, qui fera du CESE la chambre des conventions citoyennes. » Cette suggestion des membres de la convention, visant à « répondre au manque de confiance des citoyens vis-à-vis des institutions politiques en relégitimant l’action politique », devrait donc se traduire assez vite dans les faits. La composition du nouveau CESE se ferait soit sur la base d’une moitié de représentants de la société civile organisée (syndicats, ONG… déjà présents dans l’assemblée constitutionnelle) et d’une moitié de citoyens tirés au sort, soit ces derniers représenteraient « entre 15 % et 20 % de l’ensemble ». Certains experts se montrent réservés sur le caractère prématuré de l’institutionnalisation de la convention. Ils insistent également sur la nécessité d’assurer l’indépendance de cette forme conventionnelle par rapport au CESE ou à toute autre institution déjà existante. 

CRÉER UN POSTE DE DÉFENSEUR DE L’ENVIRONNEMENT Les membres de la convention souhaitent rendre les institutions françaises plus efficaces dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ils proposent de créer un Défenseur de l’environnement, sur le modèle du Défenseur des droits. Ce contrôle environnemental serait intégré à la Constitution afin d’en garantir l’indépendance et l’inamovibilité. Cette idée, évoquée en 2019 par la députée (LRM, Var) Cécile Muschotti et soutenue par une vingtaine de parlementaires, n’avait pas débouché sur une proposition de loi. Les 150 veulent en outre faciliter les voies de recours des citoyens pour agir contre des atteintes portées à l’environnement, étendre le préjudice écologique à l’action de l’administration et augmenter le niveau des sanctions financières et pénales. 

CRÉER UN ORGANISME INDÉPENDANT POUR ÉVALUER LES POLITIQUES PUBLIQUES ENVIRONNEMENTALES Selon un rapport de l’Agence européenne de l’environnement (juillet 2018) sur les évaluations des politiques climatiques en Europe, l’efficacité des mesures mises en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est très insuffisamment évaluée. Les gouvernements préfèrent communiquer sur les nouvelles politiques adoptées plutôt que de faire les bilans. Les 150 citoyens de la convention proposent de « renforcer et centraliser l’évaluation et le suivi des politiques publiques en matière environnementale », en citant l’exemple du Royaume-Uni. Pour cela, ils proposent la création d’un organisme indépendant chargé du suivi et de l’évaluation, soit « de toutes pièces » avec une condition d’indépendance de l’Etat et des lobbys, soit en partant de l’existant, par exemple « le CESE, le Haut Conseil pour le climat, l’Ademe, etc. » Cette instance devra être dotée de moyens suffisants, avec un financement assuré par l’argent public, et être déclinée au niveau régional. 

 

 

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