Contribution à la convention citoyenne pour le climat
On parle beaucoup d’écologie ces temps-ci, de sauver la
planète, de développement durable, de l’inflation des plastiques dans nos
océans, et du CO2 que nous rejetons indûment et sans scrupule dans notre
atmosphère. Derrière ces mots, qui font apparaître du "nous" (prise
de conscience que nous n’avons qu’une seule planète, qu’un seul océan, et
qu’une seule atmosphère partagés par tous les habitants de la terre), il y a,
-
non-dit, une remise en cause radicale de nos
sociétés,
-
ou, plus souvent dit, que le changement
commencerait par l’effort de chacun (l’histoire du petit colibri, qui
« fait sa part » face à un incendie),
-
ou, en arrière-fond, des débats idéologiques
entre tenants du libéralisme, défenseurs d’une écologie à dimension sociale,
révolutionnaires n’évoquant pas la dimension économique qui sous-tend tout cela
(un pays en faillite pourrait-il se permettre ces nécessaires combats
écologiques) et ceux enfin qui n’entrevoient que la possibilité d’une dictature
écologiste (de droite ? ou d’extrême gauche ?). Cf. la politique de
l’enfant unique, imposée (à juste titre mais imposée quand même) par le pouvoir
chinois pendant des années.
Enfin, dans cette nécessaire bataille, chacun est bien
persuadé qu’il faudrait que l’autre bouge, l’autre étant… un autre : les
habitants des autres pays, dont ceux des pays en développement, alors que ce
devrait être les habitants des pays développés (et en premier lieu les
habitants les plus riches de ces pays développés) qui devraient être en
première ligne, ne serait-ce que parce que principaux coupables.
Et, pendant que ces débats se poursuivent, nous continuons à
vivre "comme avant", ou presque !
Pour enrichir les réflexions de la Convention Citoyenne pour
le Climat, et en prenant appui sur un constat pragmatique qu’un objectif
"en rupture" (doubler ou diviser par 2) est beaucoup plus puissant et
mobilisateur qu’un objectif se situant dans une certaine continuité (+ ou -3%),
nous pourrions tout simplement nous atteler à 3 premières nécessaires…
ruptures.
1ère rupture : diviser par 2 notre consommation de pétrole et de gaz d’ici 10 ans
La première urgence, la priorité des priorités, est de
laisser là où il est le reste de pétrole (et de gaz, et de charbon) qui n’a pas
encore été extrait :
-
d’une part pour laisser respirer la terre, qui
s’asphyxie (et nous asphyxie) du CO2 ainsi produit, en provoquant le
réchauffement climatique en cours,
-
et (pour ceux qui douteraient encore de la
réalité de ce réchauffement) d’autre part et
surtout pour en laisser aux
générations futures : de quel droit nous approprions-nous ces précieuses
réserves, et en privons-nous de fait nos arrière-petits-enfants, parce que,
quand ce sera leur tour, ces réserves seront vides !
Or aujourd’hui 90% de notre énergie provient…. d’énergies
fossiles !
Si nous appliquons cette logique de rupture à la
consommation énergétique de nos bâtiments, habitations incluses, on constatera
qu’on gagne à s’attaquer en priorité aux logements des personnes aux revenus modestes,
en leurs permettant d’investir dans une meilleure isolation de leurs
habitations. Un tel objectif permet aussi de relier l’écologie à une "politique
sociale".
Appliquée à la consommation énergétique de nos déplacements,
nous trouverons des solutions pour diviser par 2 l’utilisation des véhicules
fonctionnant à l’essence ou au gasoil. On peut déjà décider de surtaxer la
vente de jet-skis, de moteurs hors-bords et de bateaux de plaisance à moteur (il
me semble que l’on a un peu commencé ; peut-être une montée en puissance
de la TVA avec un objectif d’une TVA à 50% ?). Et avoir un plan à 5 ou 10
ans sur une transition quant à nos livraisons par camion.
Peut-être sera-t-il judicieux de proposer une réduction d’un
ou deux points de TVA sur les produits pour lesquels les constructeurs
proposeraient de doubler le temps de garantie, tout en augmentant de 4 ou 5
points de TVA les autres produits (je pense ici à l’industrie automobile, aux
produits blancs et bruns – lave-vaisselle, lave-linge, téléviseur, etc. – aux
ordinateurs, box, modems, etc.).
2e rupture : diviser par 2 notre consommation de plastiques d’ici 10 ans
Actuellement nous nous satisfaisons de l’interdiction à
venir des pailles en plastique. Mais cette soi-disant révolution n’est qu’une
paille, c’est le cas de le dire, devant l’ampleur de la tâche. Il nous faut
réellement réfléchir à tous les moyens possibles pour diviser par 2 notre
consommation de plastique, dans tous les domaines où cette matière est
soi-disant devenue incontournable.
Cela n’interdit pas, bien au contraire, de réfléchir
également au recyclage de tous les plastiques. Visiblement, ce recyclage ne
fonctionne pas en France à la hauteur de ce qu’exigerait la situation.
3e rupture : diviser par 2 les publicités d’ici 5 ou 10 ans
Sujet tabou s’il en est, tellement nos sociétés sont addicts
à la croissance et à la consommation. L’un des moteurs de notre surconsommation
est la publicité. Elle nous incite à changer de voiture plus souvent qu’il ne
faudrait, à acheter le dernier téléphone à la mode, à voyager (avions,
croisières, …) ou à dépenser notre argent pour des choses futiles. Cela ne veut
pas dire d’arrêter de "consommer" mais arrêter de
sur-consommer !
Diviser par 2 toutes les publicités, quelles qu’elles
soient, d’ici 5 à 10 ans nous obligera à réfléchir à quelles publicités il nous
faut arrêter, car elles vont à l’encontre de la logique écologique impérative à
mettre en œuvre, tout en maintenant celles qui sont utiles pour la société
(campagne d’information pour une meilleure utilisation des antibiotiques,
campagne de promotion de telle ou telle offre culturelle, etc.). Cela nous
amènera à consommer mieux tout en prenant le temps de revisiter certains
modèles économiques (je pense à celui de la presse en particulier, anormalement
dépendant des recettes publicitaires – jusqu’ici on n’avait pas trouvé mieux…
mais on peut trouver des alternatives !).
Et après ?
Si nous expérimentons cette logique d’objectifs en rupture (déjà
pratiquée par certaines entreprises bien performantes), en particulier au sein
de la Convention Citoyenne pour le Climat, nous constaterons assez vite son
efficacité pragmatique. Cela nous incitera à appliquer cette logique de rupture
sur d’autres sujets importants. On retrouvera alors, également, le sens d’un projet
porté en commun, redonnant sens à nos collectifs fracturés.
Certes, on n’aura pas "tout gagné" quant au
réchauffement climatique : si la France réduit de manière conséquente sa
consommation d’énergie fossile, son utilisation du plastique, sa sur-consommation,
cela n’interdira pas aux autres pays de continuer à puiser sans vergogne dans
les réserves qui restent à leur disposition, à utiliser du plastique, à laisser
la publicité prendre encore plus de place – mais on aura gagné le fait que,
oui, c’est possible ! Et on aura gagné également un savoir-faire dont les
autres pays vont avoir besoin : si nous sommes asphyxiés par le CO2 (façon
de parler, car ce gaz ne nous asphyxie pas) émis par la Chine et l’Inde, ces
deux pays seront asphyxiés bien avant nous, et auront bien besoin du
savoir-faire que nous aurons su développer !
Robert STAHL
Superviseur de coachs, consultants et managers (Nantes et
Paris).
Co-directeur de l'ouvrage L'avenir c'est demain, 27 propositions pour 2035, Préface Laurent
JOFFRIN, Illustrations Xavier GORCE, Éditions Autrement 2016 (avec des
contributions d'Alexandre ADLER, Eric de MONTGOLFIER, Corinne LEPAGE, Idriss
ABERKANE, ... et sa propre contribution sur un avenir possible de la
formation).
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