mercredi 8 avril 2020

Robert Stahl : Contribution à la convention citoyenne pour le climat




Contribution à la convention citoyenne pour le climat


On parle beaucoup d’écologie ces temps-ci, de sauver la planète, de développement durable, de l’inflation des plastiques dans nos océans, et du CO2 que nous rejetons indûment et sans scrupule dans notre atmosphère. Derrière ces mots, qui font apparaître du "nous" (prise de conscience que nous n’avons qu’une seule planète, qu’un seul océan, et qu’une seule atmosphère partagés par tous les habitants de la terre), il y a,
-        non-dit, une remise en cause radicale de nos sociétés,
-        ou, plus souvent dit, que le changement commencerait par l’effort de chacun (l’histoire du petit colibri, qui « fait sa part » face à un incendie),
-        ou, en arrière-fond, des débats idéologiques entre tenants du libéralisme, défenseurs d’une écologie à dimension sociale, révolutionnaires n’évoquant pas la dimension économique qui sous-tend tout cela (un pays en faillite pourrait-il se permettre ces nécessaires combats écologiques) et ceux enfin qui n’entrevoient que la possibilité d’une dictature écologiste (de droite ? ou d’extrême gauche ?). Cf. la politique de l’enfant unique, imposée (à juste titre mais imposée quand même) par le pouvoir chinois pendant des années.

Enfin, dans cette nécessaire bataille, chacun est bien persuadé qu’il faudrait que l’autre bouge, l’autre étant… un autre : les habitants des autres pays, dont ceux des pays en développement, alors que ce devrait être les habitants des pays développés (et en premier lieu les habitants les plus riches de ces pays développés) qui devraient être en première ligne, ne serait-ce que parce que principaux coupables.

Et, pendant que ces débats se poursuivent, nous continuons à vivre "comme avant", ou presque !

Pour enrichir les réflexions de la Convention Citoyenne pour le Climat, et en prenant appui sur un constat pragmatique qu’un objectif "en rupture" (doubler ou diviser par 2) est beaucoup plus puissant et mobilisateur qu’un objectif se situant dans une certaine continuité (+ ou -3%), nous pourrions tout simplement nous atteler à 3 premières nécessaires… ruptures.

1ère rupture : diviser par 2 notre consommation de pétrole et de gaz d’ici 10 ans


La première urgence, la priorité des priorités, est de laisser là où il est le reste de pétrole (et de gaz, et de charbon) qui n’a pas encore été extrait :
-        d’une part pour laisser respirer la terre, qui s’asphyxie (et nous asphyxie) du CO2 ainsi produit, en provoquant le réchauffement climatique en cours,
-        et (pour ceux qui douteraient encore de la réalité de ce réchauffement) d’autre part et surtout pour en laisser aux générations futures : de quel droit nous approprions-nous ces précieuses réserves, et en privons-nous de fait nos arrière-petits-enfants, parce que, quand ce sera leur tour, ces réserves seront vides !
Or aujourd’hui 90% de notre énergie provient…. d’énergies fossiles !

Si nous appliquons cette logique de rupture à la consommation énergétique de nos bâtiments, habitations incluses, on constatera qu’on gagne à s’attaquer en priorité aux logements des personnes aux revenus modestes, en leurs permettant d’investir dans une meilleure isolation de leurs habitations. Un tel objectif permet aussi de relier l’écologie à une "politique sociale".

Appliquée à la consommation énergétique de nos déplacements, nous trouverons des solutions pour diviser par 2 l’utilisation des véhicules fonctionnant à l’essence ou au gasoil. On peut déjà décider de surtaxer la vente de jet-skis, de moteurs hors-bords et de bateaux de plaisance à moteur (il me semble que l’on a un peu commencé ; peut-être une montée en puissance de la TVA avec un objectif d’une TVA à 50% ?). Et avoir un plan à 5 ou 10 ans sur une transition quant à nos livraisons par camion.

Peut-être sera-t-il judicieux de proposer une réduction d’un ou deux points de TVA sur les produits pour lesquels les constructeurs proposeraient de doubler le temps de garantie, tout en augmentant de 4 ou 5 points de TVA les autres produits (je pense ici à l’industrie automobile, aux produits blancs et bruns – lave-vaisselle, lave-linge, téléviseur, etc. – aux ordinateurs, box, modems, etc.).

2e rupture : diviser par 2 notre consommation de plastiques d’ici 10 ans

Actuellement nous nous satisfaisons de l’interdiction à venir des pailles en plastique. Mais cette soi-disant révolution n’est qu’une paille, c’est le cas de le dire, devant l’ampleur de la tâche. Il nous faut réellement réfléchir à tous les moyens possibles pour diviser par 2 notre consommation de plastique, dans tous les domaines où cette matière est soi-disant devenue incontournable.

Cela n’interdit pas, bien au contraire, de réfléchir également au recyclage de tous les plastiques. Visiblement, ce recyclage ne fonctionne pas en France à la hauteur de ce qu’exigerait la situation.

 

3e rupture : diviser par 2 les publicités d’ici 5 ou 10 ans

Sujet tabou s’il en est, tellement nos sociétés sont addicts à la croissance et à la consommation. L’un des moteurs de notre surconsommation est la publicité. Elle nous incite à changer de voiture plus souvent qu’il ne faudrait, à acheter le dernier téléphone à la mode, à voyager (avions, croisières, …) ou à dépenser notre argent pour des choses futiles. Cela ne veut pas dire d’arrêter de "consommer" mais arrêter de sur-consommer !

Diviser par 2 toutes les publicités, quelles qu’elles soient, d’ici 5 à 10 ans nous obligera à réfléchir à quelles publicités il nous faut arrêter, car elles vont à l’encontre de la logique écologique impérative à mettre en œuvre, tout en maintenant celles qui sont utiles pour la société (campagne d’information pour une meilleure utilisation des antibiotiques, campagne de promotion de telle ou telle offre culturelle, etc.). Cela nous amènera à consommer mieux tout en prenant le temps de revisiter certains modèles économiques (je pense à celui de la presse en particulier, anormalement dépendant des recettes publicitaires – jusqu’ici on n’avait pas trouvé mieux… mais on peut trouver des alternatives !).

 

Et après ?

Si nous expérimentons cette logique d’objectifs en rupture (déjà pratiquée par certaines entreprises bien performantes), en particulier au sein de la Convention Citoyenne pour le Climat, nous constaterons assez vite son efficacité pragmatique. Cela nous incitera à appliquer cette logique de rupture sur d’autres sujets importants. On retrouvera alors, également, le sens d’un projet porté en commun, redonnant sens à nos collectifs fracturés.

Certes, on n’aura pas "tout gagné" quant au réchauffement climatique : si la France réduit de manière conséquente sa consommation d’énergie fossile, son utilisation du plastique, sa sur-consommation, cela n’interdira pas aux autres pays de continuer à puiser sans vergogne dans les réserves qui restent à leur disposition, à utiliser du plastique, à laisser la publicité prendre encore plus de place – mais on aura gagné le fait que, oui, c’est possible ! Et on aura gagné également un savoir-faire dont les autres pays vont avoir besoin : si nous sommes asphyxiés par le CO2 (façon de parler, car ce gaz ne nous asphyxie pas) émis par la Chine et l’Inde, ces deux pays seront asphyxiés bien avant nous, et auront bien besoin du savoir-faire que nous aurons su développer !

Robert STAHL
Superviseur de coachs, consultants et managers (Nantes et Paris).
Co-directeur de l'ouvrage L'avenir c'est demain, 27 propositions pour 2035, Préface Laurent JOFFRIN, Illustrations Xavier GORCE, Éditions Autrement 2016 (avec des contributions d'Alexandre ADLER, Eric de MONTGOLFIER, Corinne LEPAGE, Idriss ABERKANE, ... et sa propre contribution sur un avenir possible de la formation).

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