lundi 2 mars 2020

"Une évolution révolutionnaire" ?


11/07/2013 Aliénation, Émancipation, Communisme  Selon Lucien Sève le communisme commence aujourd'hui et serait la réponse organique de la crise. En 2013 il mise sur une révolution anthropologique qui accompagnerait la transition écologique. Sève est décédé le 23 mars dernier. Merci à Denis Guénoun pour cette inspiration (cf note 2).

Transcription écrite partielle de la fin de la vidéo et analyse rapide :
 A partir de la 57ème mn jusqu'à la fin de la vidéo Lucien Sève fait référence à cette intuition de Marx de 1852 : C'est exactement ce qu'il nous faut inventer : une "évolution révolutionnaire".
... ce n'est pas une insurrection c'est un processus de transformation sociale profonde, qui est profond parce que les forces qui y participent consciemment, avec initiative, sont de plus en plus nombreuses et conscientes; une montée de conscience active qui devient progressivement irrésistible, c'est ça la nouvelle idée de la révolution ; il y a à travailler sur le nouveau concept de la révolution. Ça commande une nouvelle stratégie, pour moi, son mot d'ordre fondamental c'est d'engager sans délai l'appropriation par les acteurs sociaux, de toutes les puissances sociales, sur tous les terrains et à tous les niveaux, engager ça sans délai, c'est à dire le communisme commence aujourd'hui  ! le type de phrase qui peut apparaitre comme une phrase, quand on dit ça, ça change quoi, on fait quoi ?on le fait comment ? ça veut dire quoi, ça se fait comment ... /.. Marx pense en observateur pas en utopiste. L'idée de Marx c'est que la société de demain est déjà présente ou alors elle n'existera jamais... si vous rêvez d'une autre société elle n'existera sans doute jamais. Il se passe le pire mais aussi des choses extraordinaires, sommes-nous assez attentifs à ce qu'il se passe. .../... je vois ça comme une pluralité d’équipes (plutôt que la verticalité d'un parti, c'est moi qui souligne). Sur un même thème il s'agit de développer dans le pays des dizaines de réseaux, des dizaines d'équipes si vous voulez. Avec un enracinement local, qui s'échangent leur pratique en réseau toute une communication horizontale.../... avec une centralité qui devient essentiellement horizontale.

Notre analyse rapide : on ne peut s'empêcher d'entendre résonner par moment le "centralisme démocratique", et la notion en arrière-plan d'appareil (d'organisation). Lucien Sève nous dit : "c'est la 
clef". Stéphane Hessel aux Indignés, de mettre l'organisation au rebut, de n'être que contestataires. Tandis qu'à contrario en Espagne c'est de nouveau Podemos, c'est à dire le parti et sa verticalité qui ont pris le dessus sur le mouvement, les Indignados. Mais la question reste entière de la création de pôles de centralité de la décision politique à une échelle molaire et internationale. Dans cet entretien la puissance de l'inspiration marxienne est loin d'être éteinte. Nous reprenons l'idée de l'attention portée à la société réelle, la dimension réticulaire et plurielle de l'appropriation ainsi que son ancrage dans le local. En revanche on l'éloigne sur la question de la mise à l'écart de l'utopie et des puissances virtuelles.
On met en rapport avec la pensée libertaire de Damasio (lire ici la fin émouvante de son article dans Reporterre) parce qu’éminemment complémentaire ne recouvrant pas la même réalité ? Au niveau libertaire l’utopie a une efficience et l’autonomie, l’émancipation s’y jouent autrement, détachées de la machine productive, de l’accumulation, de la réification. Plus profondément, de quelle façon au cœur même du productivisme, peut-on atteindre le processus de création, une virtualité dont le travail ne serait que l’actualisation ? L'intuition de Marx bouge-t-elle encore ?

Post Scriptum du jeudi 21 mai : La question du  tempo, du temps, se pose aussi bien dans la bipartition deleuzienne de l'organisationnel et de la machine abstraite ( note ci-dessous 1 ). Ou dans le clivage heideggérien de la « pro-duction » entre ce qui revient à l'arraisonnement de la technique (on dirait aujourd'hui des capitaux) et ce qui revient à la création (la poesis - plus profondément ce qui revient à la méditation sur un bord ou à l'action sur l'autre). Une autre interprétation de la phrase de Hölderlin : "avec le péril croit ce qui sauve". C’est ce qui se débat ici de passer entre le Charybde du renoncement à l’action et le Scylla du renoncement à la méditation, à la part de l’inconscient ou de la grâce, d’autres diraient de la détermination, ou encore de l’amour.
Pour ne s'arrêter ni au langage ni à sa stratification, dans l'inattendu de ce qui le porte.

Sur la question de comment ça s'engage dans quel tempo : voir aussi la méditation  : "Après", le courage de commencer.

Note 1 : G.Deleuze, C.Parnet Dialogues Champ Flammarion 1996 p. 110 et 111: "Il faudrait distinguer deux types de plans../.. d'organisation.../... de consistance.."

Note 2 : Lucien Séve dans une vidéo empruntée sur le site de Denis Guénoun qui lui rend hommage (D. Guénoun a entrepris une méditation sur le temps à partir d'Augustin écrit et mis en scène un spectacle sur cette thématique. Il a publié en 2019 "Trois soulèvements" Labor et Fides.


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