lundi 9 mars 2020

"De la propriété privée au communs" de Gael Giraud pour la commission de relance post Covid


Lecture, exposé et notes de Robert Stahl  merci à lui de ramener cette source intéressante.

30/06/2020 Le plan de relance post Covid (vidéo 1h30) Commission du plan de relance économique de l'Assemblée Nationale

Intervention de Gaël GIRAUD à la commission économique du 30 juin 2020

Assemblée Nationale

Contexte climatique : des conditions de vie létales, stress hydrique

Si on ne fait rien par rapport aux émissions de CO2, la température montra de 4° + -1,5°
Si on fait les efforts nécessaires, la température montra quand même de 2 degrés !

On considère que le climat est létal si l’on a à subir un cumul haute chaleur + faible humidité plus de 6 heures par jour pendant 20 jours. Si on ne fait rien, d’ici 2100 :
-          50 % des terres émergées de la planète
-          75 % de la population humaine de la planète
seront soumis à plus de 20 jours par an en condition létale !

Où ? Plus de 300 jours par an de condition létale en 2100 :
-          le bassin amazonien,
-          toute l’Amérique centrale,
-          le bassin du Congo,
-          le golfe de Guinée,
-          la frange est de l’Afrique,
-          tout le littoral indien,
-          toute l’Asie du Sud-Est,
-          la partie nord de l’Australie.
Quand la banque mondiale estime à 2,5 milliards le nombre à venir de réfugiés climatiques, ce chiffrage semble bien inférieur à la réalité qui va se présenter.

Où ? Plus de 100 jours parents de condition létale (un jour sur 3) en 2100 :
-          côte Est sud-est des USA,
-          côte est de la Chine.
Ça va donc devenir compliqué aussi pour les USA et la Chine.

L’Europe paraît moins concernée mais, d’ici 2040,1 stress hydrique généralisé va s’installer sur la planète :
-          Perte de 80 % d’accès à l’eau potable
o   le Maghreb
o   le sud de l’Espagne,
o   le sud de l’Italie.
-          Perte de 40 à 80 % d’accès à l’eau potable
o   le nord de l’Espagne,
o   le nord de l’Italie.
-          Perte de 20 à 40 % d’accès à l’eau potable : la France, avec des infrastructures très vétustes (Veolia n’a pas fait le nécessaire).

À noter qu’il n’existe pas de technique industrielle de capture et de stockage du CO2…

Vision de la France à l’horizon 2040-2050

Il nous faut nous désintoxiquer du monde d’hier.

La France en 2040-2050 :
-          des petites villes très denses, plutôt circulaires,
-          reliées par des trains,
-          uniquement des transports publics (quasiment plus de voiture),
-          poly agriculture bio, livraison par le train (circuit court),
-          fin des supermarchés à 4 km du centre-ville,
-          réaménagement complet du territoire

Priorités écologiques

4 grands scénarios sont envisagés : celui du réseau Négawatts, celui de l’ADEME (et deux autres, semble-t-il). Quel que soit le scénario retenu, il est identifié 3 grandes étapes :
  1. La rénovation thermique des bâtiments.
Si on ne s’intéresse qu’aux bâtiments publics en France, on considère que 15 emplois sont générés pour chaque million d’euros investi ce qui donne la création de 500 00 à 1 millions d’emplois pour un total de 7 milliards d’euros par an.
Il faudrait envisager un plan de 30 milliards par an sur 3 ans, avec la garantie de l’État : tout ce qui est « garanti » est hors bilan de l’État français.
Il faudrait également rénover l’accès potable via un prêt de 30 milliards d’euros. On pourrait revoir la tarification pour que les premiers mètres cubes soient quasi gratuits pour tous, la rénovation étant payée par ceux qui consomment plus que ce minimum.
  1. La mobilité verte : il faut réhabiliter le train !
  2. Le verdissement de l’industrie et l’agriculture.
Il faudrait renégocier la PAC – Politique Agricole Commune, qui est un véritable carcan, et aider les agriculteurs à sortir du surendettement.

Il faut en finir avec l’imaginaire de la banlieue pavillonnaire (exemple : Aix-Marseille) issus de l’imaginaire californien.

Situation de l’emploi : taux de chômage réel 30% !

Si, dans le calcul du chômage, l’on transforme tous les emplois à temps partiel en équivalent temps plein, le taux de chômage réel en France est de 30 % depuis des années. Il est de 25 % en Allemagne et de 30 % également aux USA.

Éviter à tout prix la déflation

La crise de 1929 a été d’abord un krach financier, suivi par une suraccumulation de dettes privées que plus personne ne pouvait rembourser.

C’est ce que vit le Japon depuis les années 90.

En zone euro, on a 130 % de dettes privées, ce qui est beaucoup plus grave que la dette publique.

Personne ne sait comment on sort de la déflation. Il ne faut donc pas aller vers l’austérité budgétaire. Il faut même peut-être permettre au secteur privé de se désendetter avant de chercher à désendetter le secteur publique.

Pistes : annuler les dettes françaises auprès de la BCE (d’abord les dettes publiques puis les dettes privées).
Gaël GIRAUD se réjouit que le pacte de stabilité soit actuellement suspendu :
-          le seuil de 3 % d’endettement par rapport au budget n’a aucun fondement scientifique : ce sont des calculs de comptable.
-          Idem pour les 60 % de dette publique.

Actuellement il est envisagé un plan de 750 milliards d’euros de dettes, soit 250 milliards sur 3 ans à partager entre 27 pays. Ce n’est pas suffisant. Il en faudrait 5 fois plus.

On aura besoin de nouvelles ressources fiscales au niveau européen :
-          une taxe carbone au niveau de la zone euro (le marché des droits à polluer, ça n’a jamais marché et ça ne marchera pas à l’avenir) : actuellement les entreprises les plus polluantes en sont exemptées ; il faudrait viser 300 $ la tonne en 2030 et 500 $ la tonne en 2050 aux frontières de l’Europe, voire de la France (besoin d’un protectionnisme social et écologiste).
-          une taxe GAFA,
-          une taxe sur les transactions financières.

Gaël GIRAUD milite pour annuler la dette publique détenue par la BCE – Banque Centrale Européenne. En effet, celle-ci a racheté nos dettes pour un montant de 2 400 milliards d’euros. Cela pourrait se faire dans le cadre d’un grand contrat social européen en 2021 pour la reconstruction écologique. Et cela n’empêcherait pas la BCE de continuer à fonctionner

Les banques françaises

Il y a une crise de solvabilité des banques françaises. La manne fournie par la BCE à taux négatifs et utilisés par ses banques dans des placements spéculatifs qui rapportent beaucoup plus et qui n’ont aucun impact sur l’économie réelle. Cela créé une bulle spéculative qui va imploser un jour ou l’autre (une crise pire que celle de 2008).

Les 4 banques systémiques françaises (BNP, Société Générale, BPCE Natixis, LCL) ne sont pas protégées par l’union bancaire européenne.

Derrière cette crise de solvabilité, il y a une crise de liquidité, pour l’instant masqué par la manne de la BCE.

Dans le secteur bancaire, beaucoup d’actifs sont dans des entreprises liées à l’énergie fossile. Comme il faut se décider à laisser le reste des énergies carbone dans le sous-sol, cela revient à valoriser ses stocks à zéro ce qui constitue une énorme « bulle carbone ».

La modernité occidentale

Celle-ci est bien représentée au XVIe siècle par l’homme de Vitruve (célèbre dessin, réalisé vers 1490r, par Léonard de Vinci) :
-          c’est un homme (absence de la femme),
-          c’est un plan (absence des autres races),
-          c’est un adulte (absence des enfants et des personnes âgées),
-          Il n’a aucun lien avec la nature.
Ce que nous a rappelé la crise du Coronavirus : ce qui nous fait vivre, ce sont nos relations avec les autres, avec le monde, avec la nature.

De la propriété privée aux communs

Dans le droit romain, au VIe siècle, la chose commune était largement plus valorisée que la chose privée..

Au XIe et XIIe siècle, des théologiens ont réécrit le droit de propriété (c’est le fondement du droit aujourd’hui) en distinguant :
-          USUS : le droit d’usage.
-          FRUCTUS : le droit de tirer un profit, un fruit.
-          ABUSUS : le droit de détruire ou de céder.
Les droits de l’homme ont amené à considérer que le droit de propriété est un droit inviolable, avec la déclinaison suivante :
-          Plus de monarchie : une place vide qui ouvre à la démocratie.
-          Le droit comme instrument de protection des citoyens contre la tyrannie de l’État.
-          La propriété privée.

Depuis 40 ans, la période post-libérale a dévoyé ce programme
-          On n’honore plus que le lieu du pouvoir soit vide. Il est remplacé par le marché financier qui est quasi déifié.
-          Le droit est détourné au profit d’intérêts privés (en particulier via le secteur bancaire).
-          Les fonds communs de placement exigent uniquement du fructus et de l’abusus. L’usus a disparu.

La notion de commun invite un autre rapport à la propriété privée, aux autres, et au monde.

Avant on distinguait les biens privés et les biens publics à accès libre. Maintenant on constate qu’il y a des biens qui sont ni publics ni privés : ils sont communs, leur accès ne peut être régulé.

Gaël Giraud se réjouit de la proposition de la convention citoyenne pour le climat qui suggère de faire de l’environnement un patrimoine commun.

Autres communs :
-          Wikipédia,
-          les logiciels libres,
-          un étang indispensable à la vie d’une tribu car seule source de protéines à leur disposition par le poisson qu’ils y pêchent.

Des communs ne peuvent bien fonctionner que s’il y a des règles du jeu institutionnelles, dont une méta règle pour réguler les conflits d’intérêts : c’est cette méta règle qui manque cruellement à l’Europe.

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D’après Wikipédia, « Gaël GIRAUD, né le 24 janvier 1970, est un économiste et prêtre jésuite français. Spécialiste en économie mathématique, il est le chef économiste de l'Agence française de développement (AFD) de 2015 à 2019. » Il a écrit de nombreux livres qui font référence, dont
-          Vingt Propositions pour réformer le capitalisme, sous la direction de Gaël Giraud et Cécile Renourad
-          Le Facteur 12, Pourquoi il faut plafonner les revenus, avec Cécile Renouard
-          L'Illusion financière,
-          Produire plus, polluer moins : l'impossible découplage ?, avec Thierry Caminel, Philippe Frémaux, Aurore Lalucq, et Philippe Roman.

Robert Stahl Edition du 05 juillet 2020

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