vendredi 1 février 2008

Avec le péril (version courte)

Voici le premier jet synthétique de l'analyse plus developpée dans la partie "Analyse : les dangers la consience et l'action" ( sommaire à droite).
1- Commentaire sur l'émission
Notre situation requiert un engagement dans un sens encore plus actif, plus personnel et plus collectif. Mais attention : Les termes « actifs » « personnel » « collectif » caractérisent aussi les mouvements spirituels, religieux ou idéologiques, qui peuvent trouver à se développer et constituer un danger dans la neutralisation de la mobilisation à leurs propres fins.
On peut craindre qu’ils se développent sur le terreau de l’hystérie collective, du sentiment de panique, que les bouleversements environnementaux, sociaux et politiques ne vont pas tarder à entraîner. Il ne s’agit pas d’écarter a priori l’énergie – car nous avons besoin de toutes les énergies - que peut apporter une telle résurgence des spiritualités ou des courants idéologiques, mais d’en cerner l’hégémonie. Il me paraît tout aussi important, dans l’urgence, de pointer, les dangers environnementaux et économiques, que d’analyser et faire l’inventaire des dangers sociaux et politiques qui leur sont corrélés. L’urgence porte tout aussi bien dans une attitude à déconstruire ce qui dans nos positions respectives relève encore de la croyance et d’un moralisme, dans le prolongement de la tentative de psycho socio généalogie que propose cette émission. Sachant que, dans cette émission nous pourrions peut-être aussi trouver des effets de croyance et de moralisme – il nous faudrait passer au crible de la réflexion par exemple toute forme d’injonction. Le glissement d’une invitation au partage de la responsabilité, à une position d’ayatollah ou de curé de la pensée et de l’action ne tient quelquefois à pas grand-chose – et peut très bien se retrouver au sein d’un même discours. Le fait de ne pas rester seul, en paroles, en pensées (comme le propose Yves Dupont ) et en action, autrement dit le fait de s’exposer aux autres, est déjà une manière de se prémunir d’un tel glissement. Plus nombreux nous serons à partager, à échanger, plus le sursaut devrait être riche et vivant.

Heidegger est cité plusieurs fois dans l’émission par Yves Cochet ou Yves Dupont. En raison de sa fameuse phrase : « La science ne pense pas ». Elle se trouve dans la conférence Que veut dire penser dans Essais et conférences (TEL Gallimard). On comprend pourquoi cette phrase est reprise par les deux intervenants. Mais il me semble que si la science ne pense pas ce n’est pas par essence, mais parce qu’elle est entièrement arraisonnée par le productivisme, par l’esprit de compétition qu’il induit, par son soubassement lié à l’économie libérale. Le grand concept solidaire de cette affirmation est donc celui « d’arraisonnement » que nous trouvons en particulier dans une autre conférence : La question de la technique dans le même recueil Essais et conférences. Il est employé dans l’émission mais parcourt actuellement les discours de l’écologie et de la décroissance ( par exemple dernièrement dans la série de conférences organisée par « Impressions d’Europe » au Lieu Unique à Nantes les 10 et 11 avril 2008). Ce qui fait écho aussi bien avec d’autres énoncés célèbres du même texte de Heidegger, dans l’urgence de la situation que nous traversons. Par exemple cette phrase de « Avec le péril grandit ce qui sauve ». Cette phrase recoupe les questions que Ruth Stégassy adresse à ses deux interlocuteurs : dans l’économie de son émission elle tente de faire émerger la dimension d’une réponse en acte à l’urgence. ).
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Dans La question de la technique. Heidegger reprend au poète allemand Holderlin deux paroles qui ont eu, en raison de son commentaire, un grand développement :
« Mais là où est le danger, là aussi est ce qui sauve ». ainsi que cette seconde parole :
« L’homme habite en poète sur cette Terre ». Ces deux paroles résonnent aujourd’hui étrangement. Cependant que se pose l’alternative dessinée à la fin de cette émission : le rebond humain se fera t-il à partir de nouvelles catastrophes, ou bien de façon préventive à partir de la conscience que nous pouvons en avoir. On notera après la formule de Heidegger, que le nazisme et les totalitarismes ainsi que leur conséquence, la deuxième guerre mondiale, n’ont pas pu être évités ? Est-ce dû à un manque de conscience, à une sous-estimation de ses dangers. Se pose cruellement aujourd’hui la question de savoir si nous avons dépassé dans le processus d’autodestruction, le seuil de survie de l’humanité. Je veux dire par là que certes nous voyons à l’œuvre un processus de prise de conscience très rapide. Mais nous devons aussi avoir conscience de la course engagée entre d’une part le processus du péril lui-même et d’autre part celui de la conscience – et donc de la réaction.
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Heidegger laisse sous-entendre une symétrie dans le parallélisme entre le danger et la réaction au danger mais comme si la relation entre les deux était « naturelle » le simple résultat d'une logique. Alors qu’elle ne peut que solliciter toute notre attention, notre analyse, notre implication (qui me semblent curieusement absent dans la formule de Heidegger malgré son intérêt. Et à laquelle il faudrait rajouter la prise de conscience de l’effet « boule de neige » de la situation, pour solliciter en conséquence l’énergie de notre sursaut face à cet effet. L’effet boule de neige nous commençons à l’appréhender du point de vue environnemental. Nous voyons comment plusieurs des paramètres climatiques, environnementaux en viennent à se cumuler jusqu’à peut-être atteindre un point de non retour dans une spirale où ils s’enchaînent et se dynamisent (Ce que nous a montré par exemple Hubert Reeves depuis maintenant quelques années par exemple).
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Mais l’effet boule de neige est aussi bien la dynamique que prend notre société face aux effets conjoints de ce contexte environnemental que de la raréfaction des matières premières. De même que les effets climatiques, les bouleversements de nos société peuvent aussi bien s’augmenter en dynamiques exponentielles. Nous n’en avons encore qu’un faible aperçu, mais nous savons sans vouloir y croire que désormais tout est possible. Y compris notre disparition. Un point de non retour le mot été lâché nous ne pouvons plus l’ignorer. La destruction devenant de plus en plus forte, la réaction pour la contrer doit être de plus en plus grande. Prendre en compte cet effet par lequel notre conscience ne peut être qu’accrue, lucide et notre action efficace. Action veut dire avant tout ici : collectivisation du sursaut. Mais pas seulement, nous avons besoin de l’affirmation de ce qui nous été transmis historiquement, puis de la radicalité de ce qui opère une rupture dans les représentions et les attitudes, enfin de la déconstruction analytique dans l’observation méticuleuse des événements mais aussi déconstruction de la façon dont nous les prenons en compte.
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La prise en compte donc de l’effet boule de neige donne à la formule de Heidegger une dynamique à la place de sa staticité – du genre je regarde le bateau couler les bras croisés (nous ne pouvons plus regarder les choses comme des spectateurs de notre impuissance). L’implication est méditative (Heidegger) ce qui est nécessaire. Mais il ne suffit pas quelle le soit, elle nécessite l’acte et le partage. Une nouvelle façon d’être sur terre. Ainsi nous ne pouvons plus nous permettre de nous laisser absorber par l’inaction de la pensée, pas plus que par l’hystérie de l’action, nos actes doivent être pensés, être donc poétiques en nécessité. Aux formules de Holderlin commentée par Heidegger dans sa conférence sur la technique il nous faudrait en inventer une troisième. Une phrase qui dirait que l’initiative individuelle dans la prise en compte de l’humain fait signe vers sa mise en partage. Dans le sens universel de la dimension à double face du sujet humain : singularité et communauté du sujet humain. Le cadre de la parole, l’autre à qui l’acte ou la proposition est adressé étant la communauté, comme condition et aboutissement de la pensée et de l’action - ce qui non seulement n’enlève rien de l’initiative individuelle mais la démultiplie en rapprochant le sujet de son cœur, de son être, tout en fragilité et puissance (la fameuse « finitude » à laquelle fait allusion Yves Dupont à la suite de Hannah Arendt. D’où l’importance cruciale que ce sujet humain – c'est-à-dire nous, individuellement et tous ensemble - en vienne à faire l’épreuve de ses limites qui sont toujours à la fois singulières et prises dans un écosystème. La fragilité du système se met directement à consonner avec la notre. La seule façon de ne pas rentrer selon moi dans une hystérie écolo-pathologique en face de la situation dramatique que nous vivons, est que chacun revienne à sa propre fragilité, ses propres limites. Que le sujet humain et sa singularité ne dissolvent pas dans l’ensemble, dans la panique ou la prophétie, évitant de ce fait un néofascisme (que nous ne pouvons plus nous permettre). Que chacun soutienne ce qu’il est dans ce qu’il a de plus sensible. Fragile est notre puissance, puissante notre fragilité.



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